Le recouvrement d’une couverture – un choix viable?
48 – June 1999
Autrefois, quand une couverture atteignait la fin de sa vie utile et lorsqu’il coûtait beaucoup trop cher de l’entretenir ou de la réparer, les propriétaires de bâtiments n’avaient habituellement pas d’autre choix que le remplacement. De nos jours, avec l’arrivée de nouveaux produits et systèmes, le recouvrement est souvent proposé comme alternative, au lieu d’arracher l’ancienne toiture et de la remplacer complètement.
Le manuel de l’ACEC, Devis couvertures, définit le recouvrement comme « laisser le système de couverture de base en place et (…) lui ajouter des éléments, qui peuvent comprendre une nouvelle membrane et, selon le devis descriptif, un isolant ou un surfaçage. »1 Selon cette définition générale, le recouvrement pourrait signifier la pose d`une nouvelle membrane directement par dessus une couverture existante, y compris sa membrane, ou sa pose par dessus l`isolant existant une fois l`ancienne membrane enlevée. Dans un cas comme dans l’autre, une partie importante de l’assemblage existant reste en place.
On fait la promotion active de nombreux produits destinés à servir au recouvrement, y compris des couvertures en métal, des membranes monocouches, des membranes en bitume modifié et même des matériaux traditionnels pour couvertures multicouches. Quelle que soit la convenance de ces produits pour le recouvrement, il y a certains principes importants dont les concepteurs et les propriétaires de bâtiments devraient tenir compte avant de choisir de procéder au recouvrement d’une couverture.
À première vue, le recouvrement semble avoir de nombreux avantages. Un de ces avantages qui va de soi est d’éviter le coût du remplacement de tous les éléments. Les autres comprennent un dérangement moindre du fonctionnement et des occupants de l’édifice, des travaux qui durent moins longtemps, la facilité d’augmenter la résistance thermique de la couverture et la possibilité d’éviter les coûts environnementaux associés à l’accumulation des matériaux existants dans les lieux d”enfouissement. En conservant l’ancien pare-vapeur et la membrane existante, l`édifice reste moins exposé aux infiltrations pendant les travaux. Toutefois, quels que soient les avantages, ils disparaîtront si la couverture recouverte ne donne pas le rendement attendu ou dure beaucoup moins de temps qu’on ne s’y attendait.
tous les anciens matériaux, il est possible de bien examiner le platelage structural et les éléments connexes comme les bandes de clouage, les cales, les pare-air et pare-vapeur et les raccordements. Comme le rendement de tout système de couverture, quel qu’il soit, est étroitement relié à l’état de ces éléments, il est essentiel de corriger toutes les défectuosités avant d’installer une nouvelle couverture. Dans le cas de recouvrement, ces éléments restent cachés et ne peuvent être facilement examinés ou réparés.
C’est particulièrement important si des fuites se sont produites ou si on soupçonne qu’elles se produisent. Les couvertures humides sont un milieu où peuvent se produire la corrosion des platelages en acier, la pourriture du bois ou l’effritement du béton, c’est-à-dire des facteurs qui peuvent tous gravement compromettre l’intégrité structurale du platelage. Ces problèmes risquent d’être aggravés par le type de matériaux contenus dans la couverture existante. Il existe des indices qui suggèrent que certains isolants contiennent des composés corrosifs susceptibles d’attaquer gravement l’acier non protégé lorsqu’il est humide.2
De plus, il est extrêmement difficile de trouver et de délimiter de nombreux secteurs de la couverture existante susceptibles d’avoir souffert de contamination par l’humidité. On ne doit jamais se fonder sur une série de simples coupes d’essai afin de déterminer s’il y a de l’humidité enfermée dans l’ancien système. Bien qu’il existe diverses méthodes de détection non destructrices, comme la thermographie à l’infra-rouge et le balayage par rayonnement nucléaire, qui peuvent être utilisées pour déceler les secteurs humides d’une couverture, elles ont toutes leurs limites. De nombreux systèmes de couverture ne se prêtent pas à ces types d’inspections. De plus, bien qu’elles puissent être utiles pour trouver l`humidité sur une couverture, elles ne révéleront pas, la plupart du temps, les causes de l’infiltration d’humidité. Recouvrir une couverture qui a été contaminée par l’humidité par suite de condensation, de fuites d’air ou d’unités installées sur le toit et qui sont responsables de fuites n’éliminera pas ces problèmes. Si ces défauts ne sont pas corrigés, ils continueront à exister dans la nouvelle couverture et l’infiltration d’humidité continuera à l’endommager.
Il est tout aussi important de s’assurer que l’isolant et les autres éléments de la toiture sont bien attachés, en plus d’être secs. Si la fixation de l’isolant existant au platelage est marginale, cette condition risque d’empirer par suite de la circulation et de l’activité qui se produisent au moment du recouvrement. Si la nouvelle membrane doit adhérer à la couverture existante, sa résistance à l’arrachement par le vent dépendra de l’état du système existant. À moins que la couverture existante n’ait été mécaniquement attachée, il faudra procéder à de vastes essais de résistance à l’arrachement afin de déterminer si cette résistance est suffisante.3
En plus des conséquences du recouvrement pour la résistance au vent, il faut aussi tenir compte de la résistance au feu et de la solidité structurale de la couverture. Le recouvrement de murs coupe-feu ou le fait de ne pas avoir installé les éléments coupe-feu exigés par les des codes du bâtiment, pourrait avoir pour conséquence que la toiture ne soit pas conforme aux exigences des codes. Lorsqu’on cherche à améliorer l’isolation thermique d’une couverture, il faut tenir compte du fait qu’une augmentation de l’épaisseur de l’isolant pourrait affecter la cote de résistance au feu (la résistance au feu est en fonction de la masse des matériaux).4 Simplement ajouter d’autres couches à une couverture multicouche existante en réduira très probablement la résistance au feu. Une quantité additionnelle de gravier ou de ballast dans le cas d’un système recouvert pourrait avoir pour conséquence le dépassement de la limite de charge nominale. Le balayage de gravier de la couverture existante et son empilage inadéquat risque de surcharger les éléments de charpente et provoquer des défoncements.
Avant de penser à recouvrir une couverture, on doit faire tous les efforts nécessaires pour déterminer quels facteurs sont responsables de la nécessité de réparer ou de reconstruire. La couverture s’est-elle simplement usée par suite de l’exposition aux intempéries, ou a-telle des défauts cachés qui ont fini par en exiger la restauration? Dans un système entièrement attaché, l’installation d’une membrane neuve par dessus une couverture qui souffre d’une formation excessive de rides à cause d’un isolant aux dimensions instables va simplement dissimuler le problème pendant une courte période. Il est probable que les rides vont réapparaître assez tôt dans le nouveau système. Y a-t-il des défauts cachés de conception dans la couverture existante, comme un écoulement insuffisant des eaux, ou des pare-air et pare-vapeur inadéquats? Le recouvrement ne réglera pas ces problèmes. Recouvrir un système de couverture souffrant de défauts de ce genre servira uniquement à rendre des solutions efficaces et permanentes beaucoup plus coûteuses à l’avenir.
Supposant que le recouvrement n’affectera pas négativement les exigences en matière de résistance au feu et à l’action du vent, ainsi que les exigences structurales des travaux, et qu’il n’existe pas de défauts cachés ou d’infiltration d’humidité dans le système existant, est-ce qu’il vaut la peine de penser au recouvrement? La décision dépendra du niveau de risque que le propriétaire du bâtiment est prêt à accepter.
Toutes les preuves, ainsi que le bon sens, suggèrent que la vie utile d’une toiture recouverte est plus courte que celle d’une nouvelle couverture. L’information reçue du « Project Pinpoint » de la National Roofing Renvois Contractors Association (É.-U.) suggère que les couvertures recouvertes présentent des problèmes à un taux qui est d’environ le double des nouvelles couvertures ou de celles qui ont été arrachées et remplacées.5 Cette conclusion est confirmée par les hésitations de la plupart des fabricants et des entrepreneurs à offrir des garanties se rapportant aux installations de ce genre. Malgré tout, le recouvrement pourrait être un choix acceptable, à la condition que le propriétaire du bâtiment ait des attentes réalistes quant à son rendement possible et ait calculé tous les risques. Un propriétaire prudent va toujours effectuer une analyse approfondie des risques avant d’entreprendre des travaux de recouvrement.
La conception et la configuration initiales pourraient indiquer quelles couvertures seraient susceptibles d’accepter sans problème les travaux de recouvrement. Celles qui comportent des panneaux de revêtement pourraient faciliter l’enlèvement de la membrane seulement lorsque cette dernière sera usée. L’installation d’un pare-vapeur par dessus une mince couche d’isolant ou d’isolant thermique pourrait permettre d’éviter la nécessité de remplacer ce pare-vapeur en même temps que l’isolant et la membrane quand le reste de la toiture s’est usé. Toutefois, même dans les cas de ce genre, il faut bien réfléchir et procéder à une évaluation approfondie des conditions existantes avant de penser au recouvrement de la couverture. On doit examiner chaque couverture séparément et calculer les risques du recouvrement pour chaque situation. Le recouvrement pourrait apporter un avantage à court terme en réduisant les frais initiaux, mais les conséquences et les coûts à long terme pourraient être beaucoup plus considérables qu’on ne l’aura prévu.
Références :
- Devis couvertures de l’ACEC, édition de 1997.
- CAN/ONGC-51.25-M87, Isolation thermique phénolique avec revêtement.
- Factory Mutual Engineering (Research) Corporation, Loss Prevention Data 1-29, juin 1996.
- Parks, R.L. et Berhinig, R.M., Fire Performance of Replaced and Recovered Roof Assemblies, Proceedings of the 8th Conference on Roofing Technology, NRCA, 1987.
- Cullen,W.C., Project Pinpoint Analysis. Ten-Year Performance Experience of Commercial Roofing 1983-1992, NRCA, 1993.
Les opinions exprimées ci-dessus sont celles du Comité Technique National de l’ACEC. Ce bulletin technique est distribué dans le but de véhiculer des renseignements pertinents sur l’industrie de la couverture. Les énoncés, commentaires, opinions et conclusions, s’il y a lieu, ne constituent pas un avis techniques définitifs, nous invitons le lecteur à solliciter l’avis d’un professionnel en génie ou en architecture. Aucune responsabilité ne sera assumée par l’ACEC, l’un des officiers ou directeurs de même que par des membres ou employés sur l’interprétation et l’utilisation que le lecteur pourra faire des renseignements contenus dans ce bulletin.