Boursouflure et dégagement gazeux des isolations en mousse d’uréthane

May 2008

Dans un bulletin technique antérieur (vol. 46, en juillet 1996), l’ACEC a traité du phénomène de boursouflure des toitures multicouches. Même si l’incidence des boursouflures dans les couvertures appliquées à chaud a diminué de manière significative depuis l’introduction des feuilles de fibre de verre et des panneaux de couverture poreux, on signale quand même ce problème dans certaines applications. On a signalé des boursouflures dans des toits composés de bitume modifié posées sur de la mousse de polyuréthane. Pour tenter d’expliquer cette boursouflure, on a suggéré que le dégagement gazeux des agents de gonflage captifs contribuait peut-être à la formation et à la croissance des cloques. Il faut remarquer que même si l’isolant au polyisocyanurate a en grande partie remplacé le polyuréthane comme matériau isolant rigide, les deux ont des compositions chimiques similaires et doivent leur résistivité thermique assez haute à la présence d’agents gonflants captifs.

Le présent bulletin fait la revue des recherches scientifiques menées à ce sujet. Il propose aussi certains éléments de réflexion sur la contribution éventuelle du dégagement de gaz par la mousse.

Les boursouflures des membranes posées sur des panneaux isolants de polyuréthane ont commencé à causer des problèmes peu après la mise en marché de cet isolant au début des années 70. De nombreux organismes ont cherché la cause, notamment la Western States Roofing Contractors Association

(WSRCA) et la Thermal Insulation Manufacturers Association (TIMA). Ces efforts ont culminé par un programme d’essai mené par le Southwest Research Institute (SwRI) et commandité par la National Roofing Contractors Association (NRCA) et la MidWest Roofing Contractors Association (MRCA). Les essais étaient conçus pour étudier les effets de l’application d’asphalte chaud sur des panneaux isolants d’uréthane et de composite d’uréthane, de même que pour déterminer quels gaz, s’il s’en trouve, étaient dégagés durant cette application. On avait déjà observé le moussage de l’asphalte, phénomène précurseur des boursouflures, lorsque cet asphalte était appliqué directement sur la mousse isolante. SwRI a publié, au début des années 80, un rapport répondant à la première question à savoir quel gaz était à la source du moussage et des boursouflures subséquentes.1

Les auteurs de cette recherche ont traité deux aspects du problème. Le premier était de trouver la source du gaz et le deuxième était de déterminer la « distribution de température transitoire de l’asphalte et des couches superficielles d’isolant ». Cette dernière influence la vitesse de diffusion du gaz inconnu à travers l’asphalte de même que la pression des bulles de gaz.

On a construit un appareil spécial pour détecter et mesurer les gaz dégagés lorsque l’asphalte chaud était appliqué à la surface de divers isolants. La chromatographie gazeuse a révélé que les seuls gaz évidents étaient des hydrocarbures d’asphalte et de la vapeur d’eau. Bien que l’on ait détecté du fréon-11, agent gonflant utilisé à l’époque, sa quantité n’était pas suffisante pour former des cloques. Les résultats concordaient avec les recherches antérieures de deux fabricants de mousse isolante, Owens Corning Fiberglass et Celotex.2,3

À partir des essais et des informations fournies par L. Parker de Shelter Insulation, Inc., Ulric Lindholm, directeur de la recherche sur les matériaux à SwRI a proposé un modèle de la formation des bulles et des cloques. En gros, M. Lindholm a affirmé que « tous les isolants ou substrats ont de l’humidité en surface ou près de la surface, humidité qui peut donner de la vapeur au contact du bitume chaud ».4 Comme l’uréthane est un excellent isolant, peu perméable, la vapeur produite durant l’application d’asphalte ne peut que monter par diffusion à travers l’asphalte plutôt qu’à travers le substrat ou l’isolant. Cette vapeur s’échappe à travers l’asphalte jusque dans l’atmosphère ou reste emprisonnée dans la couche d’asphalte qui refroidit. Comme le gradient thermique du panneau isolant diminue par rapport à la surface chaude, la diffusion de gaz comme le fréon à partir de l’intérieur de l’isolant est très improbable. En effet, le temps ne suffit pas et une telle diffusion serait contrée par un fort gradient de pression et de température. Lindholm a conclu que le gaz des bulles devait provenir de la surface de l’isolant.

D’autres experts qui ont examiné le rapport de SwRI sont arrivés à la même conclusion. Le professeur J. Thomas de l’Université de Californie a examiné les principes de formation des cloques en faisant le lien avec les recherches sur l’uréthane.5 Lui aussi a pointé du doigt la vapeur d’eau, soulignant que les gaz dégagés par l’isolant et les hydrocarbures d’asphalte ne constituaient qu’un faible pourcentage du gaz présent dans les cloques.

Une autre recherche approfondie sur les boursouflures par-dessus la mousse de polyuréthane a été entreprise par le National Institute of Standards and Technology (N.I.S.T.) des États-Unis.6 Cette étude en deux phases était conçue pour cerner la cause du moussage de l’asphalte chaud appliqué sur des panneaux de polyuréthane. Durant la phase d’observation, on a analysé les cloques pour en connaître le contenu, pour voir si le dégagement de gaz captifs des alvéoles de mousse était en cause et pour déterminer si l’application d’asphalte chaud dégageait des produits de décomposition gazeux pouvant contribuer au phénomène. On a appliqué de l’asphalte à des produits de mousse recouverts de divers revêtements. On a étendu de l’asphalte chaud sur des panneaux revêtus et sur des panneaux dénudés. On a aussi appliqué de l’asphalte sur des revêtements et panneaux « tels que livrés » et « séchés au four ».

Les résultats étaient mitigés. Les données indiquaient que les bulles pouvaient venir de l’humidité de surface de l’isolant, de l’humidité du revêtement, du dégagement d’air, de fluorocarbure et d’autres gaz par les alvéoles de mousse ou d’une combinaison de ces trois facteurs. Le troisième facteur était basé sur l’observation du moussage sur des panneaux séchés au four. L’étude n’a toutefois pas démontré de manière définitive le dégagement d’air, de fluorocarbure et d’autres gaz par la mousse.

Durant cette grande étude, on a prélevé des gaz dans les cloques formées sur du polyuréthane pour en déterminer la composition. On a trouvé que les principaux gaz présents étaient l’azote, l’oxygène et de petites quantités de chlorofluorocarbone. Comme les prélèvements avaient eu lieu au moins un an après la pose des couvertures, on ne pouvait pas déterminer si le chlorofluorocarbone s’était accumulé par dégagement durant la construction ou s’il provenait du vieillissement (par diffusion).

La décomposition de la mousse résultant du contact avec l’asphalte chaud a été jugée comme une cause improbable des boursouflures puisque la température mesurée au point de contact des deux substances était inférieure à celle pouvant produire une telle décomposition. Dans le rapport, toutefois, les auteurs ont avancé que, si les parois des alvéoles de mousse étaient suffisamment faibles, l’expansion des gaz résultant du chauffage par l’asphalte aurait pu être suffisante pour causer une rupture et un dégagement de gaz. Bien que l’étude n’ait pas vérifié cette hypothèse, on reconnaît généralement que la qualité de la mousse et son procédé de fabrication influencent la géométrie et la résistance des alvéoles. Une mousse mal fabriquée peut entraîner l’effondrement des alvéoles et la libération de l’agent gonflant qu’elles contiennent durant l’installation ou pendant que la mousse est en service.

Au printemps de 1998, la National Roofing Contractors Association et l’Institut de recherche en construction du CNRC ont publié leur étude des causes de boursouflure dans les systèmes de couverture au bitume modifié. Ils ont analysé les gaz contenus dans les cloques de nombreuses toitures de ce type. Ces gaz contenaient principalement de l’air et de la vapeur d’eau. Même s’ils ont décelé des traces de composés organiques volatils, les chercheurs ont conclu que leur quantité n’était pas très différente de celle de l’air ambiant et qu’elle était trop faible pour avoir causé les boursouflures.7

Une revue des recherches effectuées jusqu’à maintenant montre donc que la vapeur d’eau présente à la surface de la mousse ou près de cette surface est la cause la plus probable du moussage et de la boursouflure subséquente. La source de cette humidité peut varier. Elle peut venir de l’air ambiant, du revêtement ou de la mousse elle-même (la fabrication de la mousse d’uréthane implique une réaction entre l’eau et l’isocyanurate). Comme l’a déclaré le Pr. Lindholm, « tous les isolants ou substrats ont normalement une humidité de surface ou près de la surface, laquelle peut se convertir en vapeur ». Pour éviter de piéger la vapeur entre un isolant imperméable à la vapeur (mousse à alvéoles fermées) et la membrane imperméable, on doit prévoir un moyen d’évacuer le gaz (air et vapeur). Cela peut se faire par la pose d’une couche d’aération. Cette couche peut être un panneau de couverture poreux et perméable à la vapeur, comme le recommandent l’ACEC et d’autres organismes de l’industrie, ou encore, dans certains cas, un revêtement de mousse correctement conçu ou fabriqué.

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Références :

  1. Curtice, D.K., et Williams, D.R., « Effects of the Application of Hot Asphalt to Roof Insulation. » Southwest Research Institute, janvier 1980.
  2. Mirra, E. « Blistering phenomenon and urethane insulation. » RSI, décembre 1976.
  3. Repris dans Topside, Vol. 3, No. 4, Celotex.
  4. Lindholm, U.S., « On the Development of Blisters During the Application of Hot Asphalt Over Urethane Roof Insulation.” Southwest Research Institute, janvier 1980.
  5. Thomas, J. F., « Interphase Blistering. » Roofing Spec, mars 1983.
  6. Rossiter, W.J. and Mathey, R.G., « Risk of Blistering of Built-Up Roofing Membranes Applied to Polyurethane Foam Insulations. » Thermal Insulation : Materials and Systems, ASTM STP 922, American Society for Testing and Materials, Philadelphie, 1987.
  7. « Investigating the Cause of Blistering in SBS Polymer Modified-Bitumen Roofing Membranes », CNRC/IRC-CRN, mars 1998.
  8. Association canadienne des entrepreneurs en couverture, Bulletin technique, Volume 50, Panneaux de couverture, juin 2001.
  9. National Roofing Contractors Association, Bulletin no 9, Rosemount Il., 1987.

Les opinions exprimées dans le présent bulletin sont celles du Comité technique national de l’ACEC. Le présent bulletin d’information est distribué dans le but de porter à l’attention du lecteur des informations sur les couvertures. Les données, commentaires, opinions et conclusions, le cas échéant, n’ont pas pour objectif de fournir au lecteur des conseils techniques concluants, et ce dernier ne devrait pas fonder ses décisions uniquement sur l’information contenue dans le présent bulletin d’information sans obtenir les conseils particuliers de professionnels du génie ou de l’architecture. Ni l’ACEC, ni ses responsables, administrateurs, membres ou employé(e)s, quel(le)s qu’ils (elles) soient, n’assument de responsabilité pour l’information sur les couvertures, quelle qu’elle soit, contenue dans les présentes, ou pour les conséquences de toute interprétation que pourrait tirer le lecteur de cette information.